43 millions de dollars volatilisés en 72 heures. Une affaire choc. Et une marque au cœur de la tempête : Tesla. L’industrie automobile canadienne vit une secousse d’envergure. Derrière les chiffres et les communiqués affleurent des tensions politiques, commerciales et industrielles qui pourraient bien redéfinir le paysage de la mobilité électrique au nord de l’Amérique.
Canada vs Tesla : le bras de fer des subventions
Du 10 au 12 janvier 2025, Tesla a déclenché un tsunami dans un programme public fédéral. En moins de 72 heures, le constructeur californien a soumis 8 669 demandes de remboursement dans le cadre du programme iZEV, soit 89 % de toutes les requêtes nationales sur la période, représentant un total de 43,2 millions de dollars canadiens (environ 29,3 millions d’euros). Le programme, destiné à subventionner à hauteur de 5 000 dollars canadiens chaque véhicule électrique admissible, a ainsi été vidé en un éclair.
Mais cette opération éclair n’a pas été sans conséquences. Le ministère canadien des Transports, alerté par cette soudaine frénésie de dépôts accompagnée d’un changement discret de réglementation, a immédiatement répliqué. Chrystia Freeland, nouvelle ministre des Transports, a ordonné le gel pur et simple de tous les paiements Tesla. « Aucun paiement ne sera effectué tant que nous n’aurons pas la certitude que les demandes sont valables », a-t-elle déclaré au Toronto Star. En parallèle, la participation future de Tesla à tout programme de soutien fédéral a été suspendue, invoquant les barrières douanières imposées par les États-Unis aux produits canadiens.
Une réaction en chaîne dans les provinces
Le blocage fédéral n’est que la première couche d’une riposte qui s’étend rapidement au niveau provincial. En Colombie-Britannique, BC Hydro a exclu les composants Tesla — batteries, onduleurs, chargeurs — de son propre programme d’incitations, depuis le 12 mars 2025. À Toronto, la maire Olivia Chow a supprimé les subventions pour les taxis électriques de la marque, justifiant sa décision par la « proximité entre Elon Musk et Donald Trump », soulignant l’enjeu politique de cette décision.
Dans les faits, Tesla devient un dommage collatéral visible d’une tension bien plus large entre Ottawa et Washington. Une guerre commerciale déguisée, qui prend Tesla pour cible exemplaire, accusée d’avoir profité d’un vide juridique pour drainer massivement des fonds publics.
Tensions politiques, impacts industriels
Cette offensive du Canada bouleverse plus largement l’écosystème automobile. Déjà, les conséquences se font sentir : plus de 200 constructeurs et opérateurs canadiens sont eux aussi impactés par le blocage des remboursements, d’un total de 10 millions de dollars, en raison d’un système saturé. L’attente prolongée des aides, dont certaines entreprises ont avancé jusqu’à 100 000 dollars, risque d’asphyxier les plus fragiles.
Sur le terrain, la colère gronde. Le 25 mars, une concession Tesla en Ontario a été visée par un acte de vandalisme — plus de 80 véhicules saccagés. Deux jours plus tard, l’action Tesla chutait de 6 % au Nasdaq, pesant sur l’ensemble du marché technologique. La marque s’est vu interdire l’accès au Salon de Vancouver pour des raisons de sécurité, dans un contexte de manifestations anti-Tesla alimentées par les tensions politiques.
Les concurrents se frottent les mains
Si Tesla essuie une tempête, certains voient dans ces turbulences une opportunité en or. Hyundai, Kia, Volkswagen ou BYD alignent désormais des modèles électriques compétitifs, éligibles aux aides gouvernementales et surtout, sans controverse diplomatique. Ces marques deviennent les grandes gagnantes indirectes de cette mise à l’écart de Tesla, prêtes à séduire un marché canadien de plus en plus réceptif à l’électrique… mais aussi à la stabilité.
Conclusion ? Ce qui aurait pu passer pour une opération de financement musclée de Tesla pourrait bien, au final, lui coûter très cher. Gel des aides, isolement commercial et rejet politique dessinent pour le constructeur une année 2025 à haut risque. Et pour le Canada, cette affaire révèle la mécanique fragile de ses politiques de subventions, exposées aux géants de l’industrie.